[…] Eh oui, mes amis, les commandements du Christ ne sont qu’un enseignement de la sagesse qui conduit au bonheur. Ils ne nous sont pas donnés dans un but didactique et moraliste, pesant. Non, ils renferment la sagesse du bonheur. « Aimez vos ennemis » – prenons par exemple, ce commandement. Si j’aime mes ennemis, si je ne hais personne, je suis déjà dans le bonheur parce que c’est la haine qui détruit la joie. « Ne comptez pas sur les princes et sur les fils des hommes, comptez seulement sur Dieu », quel admirable commandement pour aller au bonheur ! Nous comptons sur les hommes, nous sommes déçus car ils nous trompent. Étant déçus, nous sommes malheureux. L’obéissance, quel bonheur ! Combien d’inquiétudes effacées par elle. Je pourrais énumérer des dizaines d’exemples. Considérez les Béatitudes et vous verrez qu’en accomplissant les commandements du Christ, vous acquerrez le bonheur en vous, la paix que nul ne peut vous ravir. Les autres joies vous leurrent, elles durent un instant puis se fanent comme l’herbe des champs. Ce sont de simples constatations et pourtant je crains que ce critère du bonheur ne soit guère ancré dans l’esprit des chrétiens. La perfection en Christ nous guide vers le bonheur ; la foule suivait notre Seigneur parce qu’Il Se rendait vers Naïm.
Et de l’autre côté, cet autre côté qui se nomme monde, que voyons-nous ? Le monde est un Naïm extérieur qui enfante le désespoir. Le Christ est pris de compassion. Ceux qui sont avec Lui et écoutent la parole de Ses commandements prennent aussi en pitié la foule en deuil ; c’est la seule attitude valable du chrétien vis-à-vis du monde. Non l’indignation devant l’injustice, des sentiments artificiels ou un jugement théâtral, mais la compassion. Derrière les profiteurs de ce monde, ces soi-disant réussites en dehors du Christ, ces habitants de Naïm qui vivent dans le bonheur avant l’arrivée de Dieu, se cache en général la route du désespoir. Au travers de cette quiétude, monte déjà le deuil.
Le Christ arrête le cercueil « de Sa main déifiée, remplie de la puissance du Verbe », dit saint Cyrille d’Alexandrie. La main arrête le cercueil, la foule s’arrête aussi, c’est l’incarnation du Christ. L’humanité, en définitive, s’avance avec la veuve qui enterre son fils unique, mais l’incarnation du Fils Unique de Dieu suspend cette douleur extrême. Notre mission n’est autre que d’arrêter en Christ la procession de l’enterrement du monde.
Le Christ commande alors : « Lève-toi ». Et la foule stupéfaite, voyant la résurrection, s’écrie : « Dieu a visité le monde ! »
Pour que l’Église puisse ressusciter toutes choses en Christ, il est nécessaire de commencer par le commencement : suivre le Verbe vers le bonheur en obéissant à Ses commandements.
Voici ce que je voudrais souligner aujourd’hui. Je voudrais que vous renonciez à une religion triste, à cette conviction que le chemin de l’Ami de l’homme est dur. Il a dit : « Mon fardeau est doux et Mon joug est léger. Je suis humble et doux de cœur. Venez vers Moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et Je vous soulagerai » (Mt 11, 28-29).
Tout ce dont l’apparence paraît lourde : jeûne, patience, courage, pardon, devient en réalité, si nous l’acceptons pleinement, sans équivoque, un joug, un fardeau et une croix débordants de consolation. C’est pourquoi nous pourrons dire en ce jour qui clôt l’octave de l’Exaltation de la Sainte Croix, que la Croix est le symbole, le chemin et la porte de la ville de Naïm, la ville du bonheur. Amen.
**22 septembre 1957**